Entreprise
Vers une meilleure pollinisation du châtaignier
Objectif(s)
Localisation de l'action
24140 Douville, France
Description de l'action
Le châtaignier, espèce emblématique du Périgord, est une essence à double fins : il est cultivé pour ses fruits comestibles, les châtaignes, dans des vergers composés d’arbres greffés, et c’est aussi un arbre forestier dont le bois est très recherché en menuiserie. Il permet par ailleurs la production de miel qui est très recherchée. Le châtaignier est souvent décrit comme étant pollinisé principalement par le vent, comme le chêne et le hêtre, qui appartiennent à la même famille botanique, mais cela n’a en fait pas été démontré.
Le châtaignier est au centre d’une forte économie pour la Dordogne qui possède deux centres d’expérimentation travaillant sur la châtaigne avec Invenio qui est un des plus grands centres européens sur ce produit. Il y a également des pépiniéristes, de nombreux producteurs, des usines de transformations, des associations de défense et de valorisation du produit (Label Rouge Marron du Périgord), des animations locales avec de nombreuses fêtes de la châtaigne et un attrait touristique indéniable avec une Maison qui lui est consacrée à Villefranche du Périgord.
Cet écosystème repose sur un produit dont les récoltes fluctuent et peuvent mettre en péril tout ou partie de ces acteurs.
L’objectif du projet est de permettre que la pollinisation se fasse au mieux pour garantir une production régulière. Il repose sur les travaux conduits par Clément Larue, originaire de Dordogne, au travers d’une thèse de doctorat CIFRE sur la pollinisation du châtaignier. Elle s’effectue en partenariat entre Invenio (Station d’expérimentation de la filière fruits et légumes en Nouvelle Aquitaine) et une unité de recherche, Biogeco (unité mixte de rechercher INRAE – Université de Bordeaux).
Cette thèse s’articule autour de quatre axes :
1) Est-ce que la production de châtaignes est limitée par la quantité et la qualité du pollen ?
2) Quelle est la part de la pollinisation liée au vent et celle liée aux insectes ? Et comment favoriser les insectes pollinisateurs pour cet arbre ?
3) D’où provient le pollen qui a fécondé la fleur, à l’origine du développement des fruits ? Nous utilisons des analyses moléculaires pour retrouver l’arbre père (donneur de pollen) à l’origine de la formation de chaque châtaigne. Provient-il des arbres forestiers voisins ou du verger ? Dans le dernier cas, de quelle variété provient-il ? Quelle distance a-t-il parcouru ?
4) Quel est l’impact de l’itinéraire cultural et de l’environnement du verger sur le rendement ? Les vergers où la diversité est la plus importante sont-ils plus productifs ?
A ce stade du projet, nous avons pu montrer le rôle prépondérant des insectes : en leur absence la production s’effondre de 80% sur un essai. Le travail donc ensuite consisté à identifier ces insectes. En se basant sur un suivi photographique et en faisant appel à une approche de sciences participatives, Plus de 130 espèces ont été identifiées, mais tous ne pollinisent pas efficacement le châtaignier : cet arbre dépend des insectes sauvages et notamment des coléoptères, les abeilles (y compris l’abeille domestique) ne jouant qu’un rôle mineur.
Lien vers une vidéo ou votre site web :
Coût estimé de votre action
Structure porteuse de l'action
Année de réalisation du projet
Avez-vous mené une démarche participative ? Si oui, expliquez votre démarche. citez vos partenaires
En utilisant les outils offerts par le Spipoll, deux études ont débuté :
- La première, dans des vergers des châtaigniers de INRAE (Villenave d’Ornon) et d’Invenio (Douville) ou un suivi précis des insectes floricoles a pu être réalisé. Un petit nombre d’arbre a été suivi 2 fois par semaine pendant toute la période de floraison du châtaignier (de fin Mai à début Juillet), plus des 12 000 photos d’insectes ont été prises. Au total, plus de 130 taxons d’insectes ont été identifiés.
- La seconde, à l’échelle nationale : tous les participants volontaires du SPIPOLL ont réalisé des collections des photos sur des châtaigniers principalement forestiers.
De quelles dimensions du développement durable avez-vous tenu compte pour mener votre action (environnement, social et économie) ? Expliquez votre démarche
D’un point de vue social tout d’abord. Ce projet répond à cette dimension selon deux aspects :
- Au niveau du pilotage et de l’organisation. Ce sont les producteurs gestionnaires d’Invenio qui ont choisi collectivement cette thématique et ce projet. Un point d’avancement est fait régulièrement avec ce groupe et leurs parcelles servent de lieux d’étude.
- Au niveau du sujet d’étude, le châtaignier, « arbre à pain » de nos ancêtres, cultivé depuis au moins le Moyen Age pour ses fruits, est aussi un des arbres forestiers le plus abondants en Europe : environ 1,7 million d’hectares de forêts en plus des 200 000 hectares de vergers. En France, la culture du châtaignier à des fins de production fruitière est ancienne. Le châtaignier est l’arbre emblématique du Périgord. Il occupe une grande partie des forêts du Périgord vert et du Périgord noir, et sa culture pour la production de fruits est également très importante : plus de 700 hectares de vergers produisent plus de 1000 tonnes de châtaignes annuellement, faisant de la Dordogne le second département producteur de châtaignes de France, derrière l’Ardèche. La châtaigne tient un rôle majeur dans l’emploi, la culture, le tourisme et la valorisation du territoire. Contribuer au maintien et au développement de cette culture impacte socialement notre département.
D’un point de vue économique ensuite. La châtaigne a connu son âge d’or au 19e siècle. En 1880, la production française de châtaigne s’élevait en effet à plus de 500 000 tonnes. Malgré l’attachement culturel à cette espèce, la production nationale n’a cessé de régresser. Elle représente aujourd’hui environ 10 000 tonnes, soit moins de la moitié de la consommation nationale annuelle. Toutefois la consommation est le double : il est donc possible de doubler notre production pour répondre à la seule demande locale. L’économie de la châtaigne permet de faire vivre toute une chaîne depuis la production de plant jusqu'à la transformation du produit. Le potentiel de renouveau de la culture du châtaignier est important, porté notamment par de nouvelles attentes des consommateurs pour des produits plus naturels et sans gluten. Face à cette demande croissante, l’installation de nouvelles plantations bien conçues est une solution, mais pas à court terme, un verger n’entrant en production qu’au bout d’une quinzaine d’années. Il semble donc important de chercher à augmenter la productivité des vergers existants. Or on constate de fortes disparités de production, dans un rapport allant de 1 à 10. Empiriquement, on observe dans les situations de forte production un environnement pollinique riche. Ce projet vise donc à augmenter la productivité des châtaigneraies et alimenter l’économie locale qui en découle.
Enfin d’un point de vue environnemental, la castanéiculture est une agriculture ne recourant que très rarement à des produits phytopharmaceutiques. Les producteurs souhaitent conserver cette naturalité du produit. En recherchant comment mieux polliniser les vergers, il s’agit aussi de favoriser tout un environnement : démontrer les rôles de l’environnement forestier et des taillis de châtaigniers parfois laissés à l’abandon, identifier les insectes ayant un rôle important et favoriser leur vie tout au long de l’année en leur garantissant le gîte (arbres morts, hôtels à insectes, haies, …) et le couvert (plantes hôtes pour avoir de la nourriture en complément du châtaignier).
Indiquez à quel(s) objectif(s) du développement durable votre action concoure, parmi les 17 listés par l'ONU.
Quelles limites ou difficultés avez-vous rencontrées ?
La mise en place d’expériences sur la pollinisation d’un arbre pouvant atteindre une très grande taille s’est révélée complexe : plusieurs centaines de filets ont été placés dans des arbres, jusqu’à une dizaine de mètres de hauteur. Sans du matériel lourd, et un fort investissement de l’équipe d’Invenio, ce travail n’aurait pas été possible.
Avez-vous réfléchi à des pistes d'amélioration pour votre action ? Lesquelles ?
- Le protocole SPIPOLL pour le suivi des insectes est simple, tout le monde peut y participer, et une appli est maintenant disponible sur smartphone. Il faut continuer de parler de ce programme de science participative au grand public, et donner envie de participer au plus grand nombre. C’est aussi un moyen efficace de montrer l’importance de la biodiversité présente naturellement dans les vergers aux castanéiculteurs.
- La prochaine étape va consister à travailler dans les vergers de producteurs, et à terme, de proposer un diagnostic de la qualité de la pollinisation pour les vergers de production, assortis de conseils d’amélioration. Les connaissances théoriques acquises sont directement transférables et permettront aux producteurs d’améliorer à la fois la production de fruits et l’empreinte écologique des vergers.
En quoi votre action est-elle innovante ?
- A l’échelle du génome tout d’abord pour identifier les meilleurs donneurs de pollen et mettre au point un outil de propagation du pollen dans l’espace.
- A l’échelle de l’arbre en étudiant finement qui est responsable de l’action de pollinisation
- A l’échelle de la parcelle ensuite où il est évaluée la qualité de la fonction de pollinisation et les refuges potentiels pour les insectes pollinisateurs
- A l’échelle du territoire ensuite sur lequel le rôle de l’environnement pollinique des autres vergers ou des châtaigniers forestiers est mesuré.
Quel(s) impact(s) a eu votre action ?
Ces résultats vont être valorisés sous forme d’articles scientifiques en français et en anglais dans des revues scientifiques internationales. Ces travaux ont aussi été présentés oralement dans des colloques scientifiques, en France, en Espagne et en Belgique, mais aussi au grand public (Rencontre nationale du programme SPIPOLL) et aux producteurs (salon Vinitech-Sifel et lors de différentes réunions organisées par Invenio pour les professionnels).
Grâce à ces connaissances, nous allons pouvoir améliorer la production des vergers existants, planter des nouveaux vergers mieux conçus pour une bonne pollinisation, et favoriser la biodiversité.